Corporate Finance Advisory and Consulting    © 2013 Hartland Capital - All rights reserved Terms and Conditions | Disclaimer Clement Julhia Analyste politique +44 (0)7 392 322 476 cljulhia@hartlandcapital.com Clement Julhia | Novembre 2017  Leçons d’Espagne Qui aurait cru que les guerres de sécession n’appartenaient pas au passé en Europe ? Les évènements en Espagne sont là pour  nous rappeler qu’aucune époque n’est isolée et les mécanismes de l’histoire cessent rarement de s’appliquer. Heureusement pour l’Espagne, il semble que l’indépendance de la Catalogne n’aura pas lieu et j’essayerai d’expliquer pourquoi. Pour commencer, nous devons nous demander ce que pensent les Catalans eux-mêmes. Il est clair pour tout le monde que le  referendum organisé par le gouvernement local n’a aucune crédibilité pour représenter l’opinion publique. Des sondages fiables   sondages fiables quant à la soif réelle des Catalans pour l’indépendance suggèrent que même si le séparatisme y est fort, il est loin  d’avoir la majorité. Premièrement, la majorité sécessionniste actuelle à Barcelone n’a reçu que 47% des voix et le nombre de ceux qui  soutiennent l’indépendance est légèrement au-dessus de 41%. Néanmoins, cela seul pourrait être compensé par des séparatistes déterminés et un gouvernement faible à Madrid. Or, en l’état la  perspective de l’indépendance est hors de question pour le gouvernement espagnol et encore plus pour les officiers supérieurs de  l’armée pour qui l’unité nationale est au-dessus de tout. Pour l’instant il semble que la tentative de Puigdemont a échoué mais le gouvernement d’un pays libre ne peut pas continuer à  réprimer les velléités d’une portion de la population dont le cœur de l’identité est de plus en plus distinct et ceci n’est pas un  phénomène unique ; c’est plutôt le résultat d’une mécanique historique implacable qui doit être clairement comprise si elle doit être  brisée. Pour commencer, il y a trois types d’identité nationale : coloniale, ethnique et politique.  La première ne concerne pas l’Occident. Il  reste les nations ethniques les nations politiques. En bref, il y a les pays où le peuple précède l’Etat et ceux où l’Etat précède le  peuple. Certains peuples sont unis par une ethnie commune, basée sur la religion, la langue ou la race, dans une certaine mesure. L’Etat,  dans ces cas, est construit comme le résultat d’une politique consciente de fournir au peuple en question une structure étatique :  prenez comme exemple l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la Pologne, Israël, le Kurdistan (s’il existe un jour), etc. Personne n’est surpris  d’entendre dire que, dans leur propre temps, Beethoven était allemand, Chopin était né polonais, ou que Galilée était Italien, alors  qu’aucun de ces pays n’existait quand ces gens étaient en vie.  D’autres pays, comme l’Espagne, mais aussi la France, le Royaume-Uni, la Chine ou la Russie ont été forgés par leurs Etats. Il n’y a  pas d’unité ethnique entre les Ecossais et les anglais, ni entre les Catalans ou les Andalous, ni entre les Bretons ou les Provençaux.  Ces groupes ont été d’abord attrapés dans le même filet lancé par des seigneurs féodaux au cours de siècles d’histoire qui ont à  terme conféré à ces peuples qui étaient étrangers les uns aux autres le sentiment légitime qu’a défaut d’autre chose, ils avaient un  destin commun. Cela, ajouté à une culture commune bâtie à travers les longues périodes qu’ils ont passées unis par la force, est  assez pour faire une nation solide, mais uniquement quand ces conditions restent réunies. Or, pendant des années, la Catalogne a été de plus en plus dirigée par le gouvernement local et donc de moins en moins par Madrid.  Puisque c’est le fait que les espagnols étaient dirigés par le même gouvernement et par conséquent avaient le même destin qui en  faisait une nation en premier lieu, il est inévitable qu’être gouvernés par des pouvoirs différents les éloignera à nouveau.  Une explication alternative qui est souvent donnée est que la Catalogne est plus riche que la moyenne espagnole et les Catalans ne  veulent pas payer pour ceux en Extremadura, par exemple. Cependant, si cela est peut-être le catalyseur, ce n’est pas la cause.  Imaginons une personne à la fortune confortable. Si un de ses proches qui est dans une situation financière difficile lui demande son  aide, la personne la lui donnera sans doute, même s’il n’est pas responsable des problèmes de son proche ; si, en revanche, c’est  son voisin, qu’il ne connait pas, qui est dans la même situation et lui demande la même aide, la personne lui refusera sans doute. Le  voisin et le proche sont tous deux aussi nécessiteux et aussi méritoires en tant qu’humains, et la personne a la même fortune et la  même générosité – ou absence de générosité – qu’il parle à son frère ou à son voisin. De même, il y a des pauvres en Catalogne, mais les riches qui ont voté pour l’indépendance n’ont pas de problème à les soutenir  autant qu’ils soutiennent actuellement tous les espagnols. A l’inverse, les gens dans la ville riche de Tokyo n’ont pas de problème à  soutenir les régions pauvres comme Hokkaido, ni n’ont les länder riches d’Allemagne de l’Ouest hésité avant de se réunifier avec  leurs concitoyens dans les länder de l’Est en retard économique. Il y a plus de disparité entre Paris et la Lorraine qu’entre l’Espagne  et la France.   La question n’est donc pas une question d’égoïsme ou de cupidité. C’est le fait anthropologique essentiel qui veut que les gens soient généreux sans limite avec les leurs (famille ou nation) et relativement égoïstes avec les autres. La question est donc pourquoi les  gens se sentent-ils affiliés avec certains et pas avec d’autres ? Dans le cas de la Catalogne, c’est leur unité politique qui les a liés au reste de l’Espagne ; maintenant Madrid ne les gouverne plus  autant, autorise la langue catalane à avoir un statut officiel et de toute façon, comme membre de l’UE, Madrid ne gouverne plus  autant l’Espagne. En effet, pourquoi devraient-ils se sentir espagnols ? Rien n’est gravé dans le marbre et l’Espagne a connu ces frontières depuis aussi longtemps que nous supposons qu’elles sont  naturelles ; en fait il n’y a rien de naturel intrinsèquement. Elles étaient le résultat d’un processus historique et purement politique qui  est actuellement en train d’être inversé, avec des résultats prévisibles.  Heureusement, il n’est pas trop tard. Le sécessionnisme n’a pas encore atteint de majorité ; à l’évidence des siècles de cohésion ne  peuvent pas être défaits en quelques décennies et, pour les Catalans, Carles Puigdemont ne peut peut-être pas rivaliser comme héro  national avec la reine Isabelle et Le Cid. Mais il n’y a aucun doute que le séparatisme aurait obtenu une majorité à terme et pour cela  Rajoy a raison d’imposer le gouvernement direct sur la région. D’un point de vue moral essentiel, il est juste que dans un Etat égalitaire la loi soit la même pour tous, ce qui est suffisant pour rejeter  la législation locale. Mais au-delà de cela, c’est probablement le seul moyen de garantir l’adhésion volontaire des Catalans à l’Espagne et donc de ne pas  avoir à choisir entre la sécession et la répression. Il y a là une leçon pour tous les citoyens de nations définies politiquement. Des pays comme l’Allemagne peuvent se permettre le  fédéralisme par nature ; la Suisse peut se le permettre grâce à son niveau de vie incroyable. Le Royaume-Uni et la France, par  exemple, ne sont pas si solides et devraient prendre cela comme un avertissement d’arrêter la décentralisation en Corse ou en  Ecosse, croyant que cela coupera l’herbe sous le pied des séparatistes. Cela ne mènera qu’à leur victoire au final. Bienvenue Conseil M&A Risque Politique Equipe Contact