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Clement Julhia
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Clement Julhia | Septembre 2017
Quel avenir pour la défense européenne?
Malgré l’intensité du débat autour du Brexit, la discussion s’est centrée sur quelques sujets comme l’économie,
l’immigration et la souveraineté alors que d’autres propos comme la défense sont plus ou moins ignorés comme
ils l’ont été depuis que le débat a commencé. Pourtant même s’il n’y parait pas à première vue, le départ du
Royaume-Uni pourrait avoir des conséquences sérieuses pour la défense du Continent.
Cela a à voir pour une grande part à la conjonction de plusieurs facteurs internationaux. Premièrement, le Brexit a
étrangement été bienvenu par certains fédéralistes Européens qui voyaient la Grande-Bretagne comme un membre
récalcitrant qui ne faisait que ralentir le processus d’intégration, y compris sur des questions de défense ;
maintenant qu’elle n’est plus là, croient-ils, le projet d’Etats-Unis d’Europe peut vraiment démarrer. Un signe
important est le plan d’une armée de l’Europe, comme l’a proposé Jean-Claude Juncker en septembre et au sujet
de laquelle Bruxelles est de moins en moins pudique.
En même temps, aux Etats-Unis, il semble que la droite retourne à sa tradition isolationniste, ce qui est le plus
visible avec la victoire de Donald Trump. Le mouvement populaire qui l’a amené n’est pas sur le point de
disparaitre, particulièrement puisque cela correspond à son discours plus général de focaliser sa politique sur les
intérêts directs des Etats-Unis (dont le protectionnisme et le contrôle renforcé aux frontières est une autre face).
Qu’est-ce que cela signifie pour l’Europe ? Depuis 1945, l’OTAN a été le parapluie de sécurité principal dont les
Etats-Unis sont de loin l’agent premier ; qui plus est, de nombreux pays de l’UE, comme l’Allemagne ou les Etats
baltes, s’appuient presque entièrement sur les GI pour leur sécurité extérieure. L’Allemagne, par exemple, a non
moins de trente-cinq mille troupes américaines sur son sol. Un retrait de l’OTAN laisserait un vide défensif sur
une grande partie du Continent.
Ce vide pourrait être comblé par l’armée européenne – ou à l’inverse, l’armée européenne pourrait rendre
l’OTAN superflue – et cela nous mène au cœur du sujet. A présent, il n’y a que deux pays en Europe à avoir des
capacités militaires sérieuses qui leurs sont propres : la France et le Royaume-Uni. Apres le Brexit, il ne restera
que la France pour avoir des forces armées substantielles.
Ainsi, que se produirait-il sous un commandement intégré des forces de l’UE, du même type que l’OTAN. Cette
force conjointe serait logiquement contrôlée par les institutions de l’UE à Bruxelles, qui sont à leur tour largement
influencées par la plus grande puissance économique en Europe, c’est-à-dire l’Allemagne ; cependant de même
que l’OTAN est dominée par les Etats-Unis car ils ont l’armée la plus puissante, le QG de l’armée européenne
serait dominée par sa plus grande puissance, la France, créant un système avec deux centres de pouvoir qui n’ont
pas nécessairement les mêmes objectifs de politique étrangère.
Bruxelles suit essentiellement les choix de politique étrangère de Washington, surtout quand il s’agit de la Russie
et des pays d’Europe de l’Est ; en revanche, la France a une longue tradition héritée du Gaullisme de non-
alignement dur les positions américaines et l’opinion publique était de plus en plus frustrée de la volonté
d’Hollande et de son prédécesseur de rompre avec cette tradition. Par conséquent un commandement intégré de
l’UE serait assez dysfonctionnel car il est naturel qu’une armée ne peut servir qu’une politique étrangère. Il est
plus probable qu’elle ait à suivre les desseins du gouvernement de Paris, tout comme aujourd’hui l’OTAN suit
ceux de Washington.
De façon à aligner les centres de pouvoir politiques et militaires et éviter ce problème, les autres pays de l’UE
devraient aussi bâtir leurs forces, en particulier l’Allemagne.
Néanmoins cela pourrait tout d’abord créer des difficultés pour l’Allemagne pour des raisons historiques. Le
renforcement de l’armée allemande ramène à des souvenirs qui ont menés à la création de l’UE en premier lieu.
Surtout, l’Allemagne a adopté depuis la fin de la seconde guerre mondiale une politique délibérée de pacifisme,
de même et pour les mêmes raisons que le Japon. Des tentatives de reconstruire une armée puissante auraient
certainement pour résultat le même type de soulèvement social qui s’est produit lorsque Shinzo Abe l’a proposé
dans son propre pays.
En clair, l’accélération de l’intégration militaire en Europe qui suivrait probablement au Brexit marié retrait du
parapluie de l’Oncle Sam obligerait l’Europe à être plus impliquée dans sa propre défense. Savoir s’il s’agira
d’une armée de toutes les nations de l’UE ou simplement un remplacement du parapluie américain par un
parapluie français dépendra de la volonté des gouvernements de l’UE de surmonter les obstacles économiques et
sociaux qui sont en travers de son chemin. Dans l’un ou l’autre cas, quand Winston Churchill a imaginé les Etats-
Unis d’Europe, ce qui est souvent omis est qu’il envisageait une unité militaire réelle sur le Continent seulement
et que le Royaume-Uni était « avec cette Europe, mais pas de cette Europe ». Alors peut-être n’est-il pas
surprenant que le referendum de Juin 2016 contribuera à amener à cette issue.
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